Murs

Ça avait commencé comme ça. Elle accusait le coup de cinq long mois loin de chez elle, loin de sa vie, loin de son Autre. Fatigue et douleur s’accumulaient au fil des jours, et ce retour pourtant si proche lui semblait toujours plus lointain. Lui, comme à son habitude, observait. Patient. Pensif. Passif. Certes on disait de lui qu’il était ouvert, dynamique, chaleureux. Mais il en riait. Ça n’était pas lui. Juste le mur derrière lequel il se cachait. Et observait.

Ce jour là, ils devaient travailler à un projet commun. Ils le firent. Jusqu’à tard dans la nuit. Jusqu’à cette heure où tous les autres sont rentrés, leur lit au fond des yeux, leurs rêves dans un placard. Avant même de s’en rendre compte, ils s’étaient retrouvés seuls, éclairés par la seule lueur bleutée de leurs écrans, mur isolant encore plus l’observée du veilleur.

Pour se distraire et oublier le silence, elle avait allumé l’immense télévision qui trônait au fond du bureau. Sur un fond sonore indéterminé, hommes et femmes se  trémoussaient, essayant de faire croire que trois notes étaient une oeuvre, qu’un baiser était une promesse, qu’une rencontre était un tout. Elle finit par se tourner vers ce bruit. Elle tournait le dos au mur, où il finit par s’appuyer.

“Si tu savais comme j’ai mal au dos !” Semblaient crier tous ses muscles alors qu’elle tirait doucement son fauteuil vers un renfoncement et s’installait pour mieux voir cette image qui la ramenait chez elle. Il observait. Il agit. L’œil rieur, il la fit danser d’un fauteuil à un autre, d’un bras à l’autre, sur lui. Mais il n’était pas là pour Ça. D’une main ferme, il lui enjoignait de ne plus bouger. De ses long doigts, il commençait à la masser. Sous son T-Shirt, elle se raidissait devant l’affront. Il n’avait pas prévenu. Le mur était toujours là.

Il savait ce qu’il faisait. Tout en douceur, il la mettait en confiance. Ses doigts agiles semblaient lui raconter une histoire. “Détends toi, laisse-toi aller. Tu le vois bien, que je ne suis pas là pour Ça. Tu as mal, et je peux te guérir. Laisses-toi faire. Voilà ! Sens cette douleur qui s’en va, sens ce poids qui disparaît. ” Elle se détendait. Au bout d’une demi-heure, la lueur de la télé ne signifiait plus rien. Elle avait oublié. Les pierres de son dos tombaient les unes après les autres. Son mur s’effondrait.


Posted

in

by

Comments

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *